Ce matin j'avais à faire en ville. Ni temps ni inspiration pour composer une fenêtre, je me suis dit "tant pis, ce sera un jour sans".
Mais la vie m'a rattrapée. Une rencontre, une image, un partage.
Et à mon retour, voici pour vous son sourire... et mes mots.
" Dehors la grisaille. La pluie aux carreaux. Nouveaux engins de surveillance à l’entrée du métro. C’est le progrès, madame. Entre qui peut payer. Sur la ville, à hauteur de regard visant l’horizon : des chapeaux, des bonnets, des masques. Plus bas: des smartphones dans des mains fermées, des sacs à main, à dos, à courses, à jeter. Des manteaux à demi ouverts, offerts aux quatre vents. Et dessous, à ras de terre, là où les pavés rennais font glisser les escarpins: baskets, savates, bottines et souliers informes, mocassins et chaussures orthopédiques. Pas pressés, talons qui glissent, qui claquent, qui frappent les silences ou dessinent une danse.
C’est là, au même étage d’ignorance, de honte ou d'oubli, là où se perdent les yeux intimidés, tristes ou résignés, c’est là, assise au sol, qu’elle sourit. Emmitouflée dans une capuche aux oreilles de nounours étrangement décalée, elle tend la main sans un mot. Adossée à l’entrée de la biocoop, elle commence sa journée d’attente et de résistance. Un enfant joue, juste un peu plus loin, à s’inventer un monde qui tourne rond, une danse magique autour d’une barrière en métal. Leurs yeux se cherchent, leurs sourires se croisent et se répondent.
Une maman et son garçon? Un frère et une sœur? La vie n’a pas d’âge, quand on en ignore l’histoire. Peut-être ne sont-ils que passants qui se croisent, humanités qui se reconnaissent. Qu’importe, chaque sourire est un instant de douceur volé à la grisaille des jours pesants. Chaque ourson de velours sur les oreilles d’une jeune femme en plein vent est une caresse, un pied-de-nez à la résignation. Car elle sourit, et c’est elle qui me prête sa joie.
J’étais triste, lourde de toute cette misère que la ville aux abords de Noël fait exploser plus fort encore. J’étais lasse et coupable. Je le suis toujours un peu, mais par delà je souris, parce qu’une bonne fée aux oreilles d’ours m’a montré le chemin.
Si elle peut, alors je dois."
Isabelle Bouchex 16 décembre 2020
PS : quelques photos prises cet automne... photos de lumière, justement.
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Martine B (mercredi, 16 décembre 2020 17:28)
MERCI
Christelle (mercredi, 16 décembre 2020 18:46)
Ce que j'aime quand la vie te rattrape et que tu partages : elle me rattrape aussi un peu !